jeudi 19 avril 2012

La Commune de Paris, 1871

Images de la Commune

Une présentation à voir absolument :

Diaporama sur la Commune

Mais aussi images provenant de
La Commune en images, La Découverte, 1982
La Commune photographiée, RMN, 2000 :























vendredi 13 avril 2012

La candidature officielle

Le contrôle du suffrage universel durant le Second Empire


Si le Second Empire a confirmé le suffrage universel masculin établi en 1848, celui-ci a été étroitement contrôlé. Le gouvernement met tout en oeuvre pour que les électeurs sachent qui est le candidat à la députation soutenu par le régime. Les préfets et sous-préfets les aident à faire campagne, les finances publiques paient l'impression de leurs profession de foi et des bulletins de vote à leur nom. Voici deux textes qui éclairent cette pratique :


Les consignes du ministre de l'Intérieur aux préfets

            … Dans les élections qui se préparent, le peuple français a un rôle important à remplir. Mais ici quel ne serait pas son embarras sans l'intervention du gouvernement ! Comment huit millions d'électeurs pourraient-ils s'entendre pour distinguer, entre tant de candidats recommandables à tant de titres divers et sur tant de points à la fois, deux cent soixante et un députés animés du même esprit, dévoués aux mêmes intérêts, et disposés également à compléter la victoire populaire du 20 décembre. Il importe donc que le gouvernement éclaire à ce sujet les électeurs. Comme c'est évidemment la volonté du peuple d'achever ce qu'il a commencé, il faut que le peuple soit mis en mesure de discerner quels sont les amis et quels sont les ennemis du gouvernement qu'il vient de fonder.
En conséquence, Monsieur le Préfet, prenez des mesures pour faire connaître aux électeurs de chaque circonscription de votre département, par l'intermédiaire des divers agents de l'administration, par toutes les voies que vous jugerez convenables, selon l'esprit des localités et, au besoin, par des proclamations affichées dans les communes, celui des candidats que le gouvernement de Louis-Napoléon juge le plus propre à l'aider dans son œuvre réparatrice. Je vous recommande surtout, Monsieur le Préfet, de mettre l'intérêt de l'État au-dessus des questions de personnes.
Le gouvernement ne se préoccupe pas des antécédents politiques des candidats qui acceptent avec franchise et sincérité le nouvel ordre des choses ; mais il vous demande en même temps de ne pas hésiter à prémunir les populations contre ceux dont les tendances connues, quels que soient d'ailleurs leurs titres, ne seraient pas dans l'esprit des institutions nouvelles.
           
Circulaire de Persigny, ministre de l'Intérieur, aux préfets, 11 février 1852.



L'intervention des maires en faveur du candidat officiel

Électeurs de Vouzon,
Vous êtes appelés à venir déposer vos votes à la mairie les dimanche et lundi 31 mai et 1er juin prochains, pour nommer un député au Corps Législatif.
Vous n'oublierez pas tous les bienfaits dont l'Empereur a comblé notre commune à ses différents passages, secours pour les pauvres, secours pour notre église, don de la pompe à incendie.
Électeurs de Vouzon, vous prouverez notre reconnaissance à l'Empereur en donnant vos voix à l'honorable M. Clary, recommandé par le Gouvernement et par les services qu'il a rendus au département.
Vous n'oublierez pas qu'il vient encore de venir au secours de notre commune, en obtenant pour nous une somme de deux mille francs pour notre église dont nous ne pouvions payer les dépenses.
Électeurs de Vouzon, unissez-vous donc tous pour porter vos votes sur M. Clary qui seul représente la pensée de l'Empereur votre auguste Bienfaiteur…
Électeurs de Vouzon, votre maire compte sur votre dévouement pour le gouvernement qui veut votre bien-être.
Vouzon, le 22 mai 1863, le maire de Vouzon

            Appel du maire de Vouzon (canton de Lamotte-Beuvron) reproduit par Georges DUPEUX, Aspects de l'histoire économique et sociale du Loir-et-Cher, 1848-1914. - Paris, École Pratique des Hautes Études, 1962, p. 390
            G. DUPEUX ajoute que 241 électeurs sur 332 inscrits ont voté. 240 ont donné leur suffrage à M. Clary.



Armée et sociétés rurales en Europe au XIXe siècle

Corrigé du TD de L3 du 12 avril 2012

A priori, le monde rural et l'armée sont deux espaces étrangers l’un à l’autre
Et pourtant il y a une forte interpénétration entre eux : les armées du XIXe siècle sont pour l’essentiel, du moins pour ce qui est des hommes de troupe, composées d’hommes provenant des espaces ruraux et ces espaces, en accueillant les hommes qui reviennent de l’armée, subissent par là même influences nouvelles et mutations

I/ Des armées de ruraux
A) Le départ aux armées
- les cérémonies de la conscription :
* celle de la visite médicale : être déclaré « bon pour le service », c’est être reconnu comme appartenant au monde des hommes adultes, un véritable rite de passage recognitif de la virilité
* celle du tirage au sort : classe d’âge soudée par ce tirage au sort en commun, mais en même temps scindée entre ceux qui partent et ceux qui, ayant tiré un « bon numéro » ne partent pas
* celle du départ : communauté rurale soudée autour des conscrits qui s’en vont

- les problèmes économiques pour les familles : le départ d’un fils signifie la perte d’un homme qui travaillait sur l’exploitation, ou la perte d’une source de revenus si ce fils se louait sur une exploitation voisine ; à l’inverse, les familles qui choisissent d’acheter un remplaçant doivent débourser la somme nécessaire.


- les refus de la conscription : ils sont avant tout refus du départ aux armées, plus que refus du régime (voir les travaux d’Annie CRÉPIN). Ils posent dans l’espace rural la question de la rébellion (voir les travaux d’Aurélien LIGNEREUX, La France rébellionnaire. Les résistances à la gendarmerie (1800-1859), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, 365 p.)

B) Les ruraux dans l’armée
Voir les travaux de Natalie PETITEAU, Lendemains d’Empire et Guerriers du Premier Empire, Paris, La Boutique de l'Histoire, 2003 et 2011.

- nostalgie : on regrette sa famille, ses amis, son village, son terroir
- découverte d’un monde nouveau : uniforme, langue, nourriture, discipline
- le régiment devient une nouvelle famille, il est soudé par l’amitié, il est le lieu de nouveaux apprentissages (de l’écriture, de l’a politique…)

II/ Des militaires dans les espaces ruraux
A) La découverte d’autres systèmes économiques et sociaux
- étonnement devant les servitudes, notamment en Pologne
- attention portée aux autres systèmes de culture (en Allemagne, en Espagne)

B) L’attitude à l’égard des populations envahies

voir notamment Jacques HANTRAYE, Les Cosaques aux Champs Elysées, Belin, 2005.

- humanité
- pillage

III/ Des espaces ruraux marqués par la présence d’anciens militaires
A) La transmission d’une expérience autre

- ouverture des horizons
- éducation
- intériorisation de l'idée de nation

B) La présence des traces de la guerre
- des hommes invalides ou malades, physiquement ou psychiquement
- une présence dans les emplois réservés : gardes champêtres, gardes forestiers, tenanciers des bureaux de tabac, instituteurs

dimanche 8 avril 2012

A propos de l'oeuvre d'Alain Corbin


Un élément d’historiographie à connaître : l’œuvre d’Alain Corbin

Fils de médecin né en 1936, Alain Corbin a achevé sa carrière comme professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Paris 1 où il avait succédé à Adeline Daumard

           Il ne se reconnaît d’aucune chapelle, si ce n’est qu’il accepte d’être identifié comme historien des sensibilités : il a constaté, après André Burguière, que les Annales ont boudé le projet de Lucien Febvre d’une histoire des sensibilités au profit, à l’instigation de Marc Bloch, d’une histoire anthropologique des mentalités non conscientes. Il a donc analysé, au fil de son œuvre, l’histoire du toucher, du goût, de l’odorat, de la vue et de l’ouïe. Bref, l’une de ses ambitions a été de faire une histoire de l’appréciation du monde sensible.

          Pour Alain Corbin, l’histoire n’a pas forcément une mission civique mais elle doit répondre à une curiosité qui consiste à savoir ce qu’ont vécu, pensé ou éprouvé les gens qui nous ont précédés.

1) Sa thèse de doctorat d’Etat a été soutenue en 1973, publiée en 1975, sous le titre Archaïsme et modernité en Limousin. Elle a été dirigée par Bertrand Gille, un historien de l’économie, Ernest Labrousse ayant déjà un trop grand nombre de thésards sous sa direction. Il n’avait donc pas accepté de diriger Alain Corbin. L’un des buts de la thèse était de trouver les clefs de la politisation : faire la généalogie de la légende rouge constitutive de l’identité régionale. Alain Corbin réalise rapidement qu’il était vain d’accumuler des données chiffrées sur l’évolution des revenus, il en vient vite à considérer que l’alphabétisation, l’émigration temporaire, les structures familiales sont des thèmes plus porteurs. Il le conduisent à mettre en évidence une distinction entre un Limousin migrant et un Limousin sédentaire, et un contraste entre le contexte économique et la précoce politisation. Au final, la thèse ne relève plus guère du modèle labroussien et fait la part belle à l’histoire culturelle. Alain Corbin a été frappé, en faisant sa thèse, par ce qu’il appelle le poids du regard de l’autre, par l’image dévalorisante portée sur les Limousins. Il a étudié la façon dont se sont constituées les identités compte tenu de ce que ces individus connaissaient et vivaient, de leur attachement à la famille, de leur façon de travailler la terre, du désir d’augmenter le patrimoine, des injures qu’ils essuyaient sur leur passage, de la difficulté à trouver du travail, de l’accueil et du regard des Parisiens.

2) Les filles de noces, Aubier, 1978

            C’est en fait par ce livre que Alain Corbin s’est fait connaître. Sa genèse se trouve dans sa thèse, car les Limousins à Paris étaient logés dans les quartiers où se trouvaient les «filles soumises». C’est alors qu’il a eu l’idée de travailler sur la prostitution à Paris. Jusqu’alors l’histoire de la sexualité n’existait que par l’histoire démographique. L’histoire des « filles de noces » permet de lier anthropologie historique, histoire des sensibilités et des émotions, histoire de la psychologie collective, histoire de la virilité et de la misère sexuelle masculine : il y a donc là une voie d’accès à la compréhension du XIXe siècle. Le processus de surveillance des «filles de noces» met en évidence tout ce que sont les craintes de la société du XIXe siècle : argent, morale sexuelle, maladies vénériennes mais aussi doctrine du mal nécessaire, prostitution et misère sexuelle sont liées à imaginaire social, aux structures sociales, aux pratiques sociales

3) Le miasme et la jonquille. L’odorat et l’imaginaire social, Aubier, 1982

Alain Corbin a rencontré les parfums lourds et capiteux à propos des maisons closes. Il y a compris qu’ils contribuent à une identification sociale et culturelle de la prostituée et de son univers. La putain est la fille qui sent mauvais, la prostituée est supposée sentir mauvais parce qu’elle est tenue pour responsable d’un pourrissement de la société. Il s’est donc dans ce livre donné pour but d’étudier l’usage de l’odorat et sa contribution à élaboration de l’imaginaire social dans seconde moitié du XIXe siècle. Ce livre n’est ni une histoire des parfums ni une histoire des odeurs, mais il analyse comment une référence olfactive désigne une personne, comment la création des types sociaux fait intervenir la référence olfactive. Il étudie aussi les discours des savants sur les dangers des odeurs. Il livre donc une histoire des sensibilités en ce sens qu’il analyse la réception et l’appréciation des messages sensoriels. Les élites du XIXe siècle cherchent à ne pas avoir d’odeur, pour se distinguer du peuple, puis à se parer de parfums légers.

4) Le territoire du vide, Aubier, 1988

Ici, Alain Corbin explore le champ des sensations visuelles. Il s’efforce de retrouver la cohérence des systèmes de représentations. Il y a là aussi un travail contre les dangers de l’anachronisme : faire l’histoire des sensibilités, c’est révéler que la notion de « société traditionnelle » est une grande création du XIXe siècle, c’est lutter contre le passéisme, c’est aussi lutter contre l’idée que plus on avance dans le temps, plus on avance dans la civilisation. Un individu qui regarde le bord de mer en 1800 peut y voir les traces du déluge, tandis qu’un autre peut se questionner sur histoire géologique : tout le monde ne lit pas l’espace de la même manière. Il n’y a pas de paysage en soi, chacun a une façon de se l’approprier. Pendant longtemps, la mer n’a pas existé dans les imaginaires collectifs, il n’y a pas de mer dans le jardin d’Eden. Le désir de contempler les rivages fait partie d’un basculement des systèmes d’appréciation, on observe en parallèle une attirance pour la mer, la montagne, la forêt, le désert. Entre 1755 et 1830, le rivage est devenu un lieu fascinant entre autres parce que lieu de confluence entre le divin, l’animal, l’humain, l’eau, la terre et le vent, les vivants et les morts. À l’anxiété de la haute mer succède le plaisir, l’eau devient un vecteur de sensations, avant 1750 se baigner était bon pour le peuple et ne concernait pas les élites.

 5) Le village des cannibales, Aubier, 1991

Le 16 août 1870, dans l’arrondissement de Nontron, en Dordogne, un jeune noble est mis à mort dans d’atroces souffrances, sur le champ de foire, pour avoir crié «Vive la République». Il existe dans cette région une tradition de violence contre les nobles, une tradition rumorale aussi (pex rumeur, sous la Monarchie de Juillet, selon laquelle les riches vont forcer les pauvres à manger de la paille, ou, en 1849, qu’ils vont atteler les paysans à des jougs). La crise de 1870 aboutit à la quête du bouc émissaire qui aurait pu être un curé ou un républicain, d’ailleurs on s’imagina, devant cet homme qui a crié « Vive la République », que c’était le cas. On soupçonne les prêtres de soutenir les Prussiens en leur donnant de l’argent. On suppose de plus qu’il existe une alliance entre ces deux catégories d’ennemis : les nobles et les républicains. Il s’agit d’exorciser la peur de la défaite, de déjouer le complot fomenté par les ennemis, prêtres, nobles et républicains, sur fond d’ascension du sentiment national. La volonté d’Alain Corbin a été de comprendre la violence inouïe qui s’est exercée contre ce jeune noble, Alain de Moneys. En fait il existe un espace, d’environ 40 km2, fort marqué par la violence durant tout le XIXe siècle. Comprendre les mécanismes psychologiques qui ont conduit à ce crime politique conduit à faire une histoire des rapports sociaux. Il y a donc là un drame cohérent et non pas un fait-divers. Alain de Moneys est mort pour n’avoir pas compris les logiques à l’œuvre sous ses yeux, il a tenté de dissuader les gens qui le frappaient en fonction de ses repères à lui, en se défendant naïvement de n’être pas républicain, il n’a pas senti la profondeur de la rage issue de tout un imaginaire de la menace. Ce crime répondait à des logiques de l’angoisse. La noblesse périgourdine, aux yeux des paysans de 1870, est héritière de celle qui est revenue avec le roi en 1814.

6) Les cloches de la terre, Albin Michel, 1994

            Alain Corbin met ici en évidence la force des sensibilités auditives, qui identifient un terroir et un espace sonore. L’attachement au clocher est fondamental dans la France rurale du XIXe siècle, ce qui se lit par exemple dans le refus de laisser décrocher les cloches, le désir de les conserver même quand l’unité paroissiale a disparu et que l’ancienne église est désaffectée. L’opération de la fonte est un moment très fort de la sociabilité villageoise. La cloche rythme la vie paysanne et sert de signe de rassemblement, elle est aussi expression de la peur, du deuil, de la colère. La maîtrise de l'usage de la cloche est un enjeu de pouvoir important. Les cloches de la terre traitent donc un thème essentiel à la compréhension du monde rural et de ses mentalités.




7) Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot. Sur les traces d’un inconnu, 1798-1876, Flammarion, 1998

            Les thèmes traités dans les cloches de la terre se retrouvent dans l’ouvrage mené sur les traces d’un inconnu : il s’agit pour Alain Corbin d’y inverser les procédures de l’histoire sociale du XIXe siècle, de quitter les procédures consistant à analyser les paroles ouvrières, des paroles des femmes, car il y a là des acteurs qui par le fait de prendre la plume ont tout de même eu un destin exceptionnel. Il s’emplie dans ce livre à recomposer un puzzle à partir d’éléments initialement dispersés, à écrire sur les effacés sans pour autant prétendre porter témoignage. L’auteur procède notamment à la reconstitution de l’espace dans lequel Pinagot a vécu, il tente de saisir ce que pouvaient être ses sentiments d’appartenance communale, ses représentations du passé. L’ouvrage a néanmoins été critiqué pour avoir négligé certaines sources :





Alain Corbin a renoué récemment avec les préoccupations de ce livre dans Les conférences de Morterolles, hiver 1895-1896 : à l'écoute d'un monde disparu, Flammarion, 2011 : durant les longues soirées de l'hiver 1895-1896, le dénommé Beaumord, instituteur de son état, donne une série de dix conférences dans sa commune, devant un auditoire d'en moyenne 150 personnes ; il enchaîne les thèmes : empire colonial d'une France républicaine civilisatrice, patriotisme, Jeanne d'Arc, problèmes agricoles... A partir de ces conférences, Alain Corbin, historien du sensible, explore les chemins du savoir du monde des campagnes à la fin du XIXe siècle. Comme il l'a fait dans ses ouvrages précédents, il lève le voile sur les pratiques enfouies, les modes et les rythmes de vie. Ici, les pratiques culturelles des agriculteurs et des artisans.

8) De L'avènement des loisirs, 1850-1960, Aubier, 1995 à L’histoire de la virilité, Seuil, 2011


 L’avènement des loisirs rebondit sur une autre partie de l’œuvre d’Alain Corbin, celle dans laquelle il a déjà exploré l’histoire du corps (Les filles de noces, Le miasme et la jonquille). Il a ensuite dirigé le volume consacré au XIXe siècle de l’histoire du corps, paru au Seuil en 2005. Dans l’Harmonie des plaisirs, Perrin, 2007, il met à profit les discours médicaux sur les manifestations cliniques de la volupté. Sur de tels sujets, la relative proximité du XIXe siècle ne doit pas nous égarer : pour éviter l'écueil de l'anachronisme, il nous faut, prévient Corbin, «oublier nos croyances, nos convictions, notre expérience, nous défaire de tous les concepts élaborés ultérieurement» ; oublier le freudisme et tout ce qui a fleuri ces dernières années autour de l'identité sexuelle. L'univers où nous entraîne Alain Corbin est celui d'un monde où la femme, supposée « soumise au dérèglement de ses sens », est une véritable énigme sexuelle. En historien et anthropologue, Alain Corbin collecte discours et écrits qui ont, dans des registres différents mais attachés au même objet, tenté de comprendre et de décrire les plaisirs du sexe, ses nécessités, ses normes. Il a récemment co-dirigé une Histoire de la virilité, qui s’inscrit dans la même veine.


Pour aller plus loin :
Alain Corbin, Historien du sensible. Entretiens avec Gilles Heuré, La Découverte, 2000.
Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia, Les courants historiques en France, Folio-Histoire, 2007.

vendredi 6 avril 2012

La diffusion de la culture urbaine

Un exemple de publicité dans la presse, Le Petit Journal, 6 avril 1884 (source : Gallica)

Notez particulièrement les références aux ventes dans les grands magasins, comme le Bon Marché ou le Printemps. Mais aussi les Phares de la Bastille. Les publicités affichent les prix par article. Notez également les publicités pour des produits pharmaceutiques, du vin, des pièces d'horlogerie.

jeudi 5 avril 2012

L'édification d'un lieu de mémoire

Démolir la Bastille, publication d'Héloïse Bocher

Présentation de l'éditeur :


Tout le monde sait ce qui s’est passé place de la Bastille le 14 juillet 1789 : une forteresse mal protégée prise d’assaut, des cachots ouverts par la foule et quasiment vides, un gouverneur mis à mort, dont la tête sera promenée par les rues au bout d’une pique… Un symbole de l’Ancien Régime, de sa justice d’exception et de ses pratiques les plus arbitraires, venait de tomber.
Mais il n’a pas suffi de prendre la Bastille. Il a aussi fallu, durant deux longues années, la démolir, au fil d’un chantier qui a mobilisé, en plein coeur de la capitale, un millier d’ouvriers attachés à la destruction des murs et des tours : monceaux de décombres entassés, trafics en tout genre, accidents, rixes, émeutes, querelles de voisinage ont émaillé le quotidien de cette ruche. Il a fallu ensuite, entre poétique des ruines chère aux préromantiques et culte révolutionnaire de la fête collective, consacrer ce haut lieu de la sociabilité parisienne, où se croisaient, de nuit comme de jour, personnalités et anonymes, au cours de visites guidées, de bals et de cérémonies officielles qui entretiennent le souvenir de ce moment fondateur.
Il a fallu enfin édifier un véritable lieu de mémoire, dans une entreprise de communication sans précédent, où l’entrepreneur en chef, Palloy, diffusant largement statuettes commémoratives, moellons gravés et médailles, a contribué à assurer sa propre gloire en même temps que celle de l’événement, érigé, du même coup, au rang de mythe national.



Vient de paraître aux éditions Vendémiaire

dimanche 1 avril 2012

Le rapport au national dans les campagnes européennes au XIXe siècle



Vous trouverez ci-dessous un texte renvoyant à un sujet de TD de début d'année que je n'ai pas eu le temps de traiter. Bonne lecture avec, toujours, les encouragements de Freedom ... la mascotte du blog.



LES RAPPORTS AU NATIONAL
DANS LA VIE SOCIALE ET POLITIQUE DES CAMPAGNES
DURANT LE PREMIER XIXe SIÈCLE

Texte paru dans Jean-Claude CARON, Frédéric CHAUVAUD, Les campagnes dans les sociétés européennes, 1830-1930, Rennes, PUR, 2005.

            La formulation de la question mise au programme des concours du CAPES et de l’agrégation pour 2005-2007 en histoire contemporaine[1] indique que l’une de ses problématiques est l’intégration – ou la non intégration - des habitants des campagnes dans des espaces nationaux. Or ces espaces connaissent, au cours de la période étudiée, la diffusion de règles administratives de plus en plus précises, de contraintes économiques relevant de plus en plus d’une économie de marché fonctionnant à des niveaux nationaux et internationaux, de normes sociales de plus en plus uniformisées, de règles politiques héritées pour partie de la démocratie révolutionnaire. Les données sont toutefois différentes selon que l’on prend en considération la France ou l’Espagne, existant en tant qu’Etat-nation depuis plusieurs siècles, ou que l’on s’intéresse à l’Allemagne ou à l’Italie, qui ne sont encore, en 1840, que des entités géographiques composées de plusieurs Etats. La situation diverge même entre une Allemagne qui esquisse déjà, dans les années 1830, une union douanière, et une Italie dont les ferments unitaires sont en partie hérités des dominations française et autrichienne.

            La littérature comme une partie de l’historiographie ont pérennisé l’image de campagnes refermées sur elles-mêmes, et pour qui l’intégration nationale ne se ferait qu’après 1880[2].Citons-en pour preuve, en se limitant aux représentations concernant les années 1830-1840, les portraits figurant dans Les paysans de Balzac, peignant les habitants des campagnes comme des êtres frustes et brutaux. Toutefois, George Sand commence alors à lui opposer les images d’une paysannerie empreinte de douceur et d’art de vivre, qui n’en vit pas moins dans un certain isolement, dont elle a bien conscience, d’ailleurs, lorsqu’il s’agit de préparer les élections de 1848. Or, dans les années 1970, Pierre Bourdieu pouvait encore souligner que la représentation dominante du paysan est celle du « bouseux », du « cul terreux », du « plouc », dont on raille la difficulté à maîtriser le français et l’ignorance[3]. Il convient en réalité de se méfier des clichés selon lesquels les paysans, qui ne sont toutefois qu’un volet de ce sujet, seraient à part dans la vie nationale, ne seraient même pas réellement concernés par ce cadre et ne relèveraient que d’une culture spécifique. Aujourd’hui les historiens prennent d’ailleurs soin de souligner que l’on ne se risque plus, désormais, à décrire la société rurale comme une juxtaposition de communautés vivant en autarcie[4].

            Les habitants des campagnes s’inscrivent, comme tous les acteurs de l’histoire, dans des champs relevant de différentes échelles, concrétisés du reste quelque peu par les circonscriptions administratives définies par la Révolution et l’Empire, valables donc en France mais aussi en Italie et dans une partie de l’Allemagne : de la commune à la nation, les campagnards s’insèrent dans des espaces au sein desquels se joue leur rapport aux mutations politiques et sociales de leur temps. Or, à l’orée du XIXe siècle, du fait des événements révolutionnaires et impériaux, la dimension nationale s’impose mieux que jamais dans la vie des pays au programme : la France reconnaît la souveraineté de la nation, l’Italie devient un royaume, certes dans la dépendance de la France, et l’occupation de l’Allemagne et de l’Espagne par les armées napoléoniennes fait naître des nationalismes du ressentiment. Il convient donc de révoquer en doute ces représentations de campagnes-isolats et d’examiner bien au contraire tous les modes d’ouverture aux références nationales dès le premier XIXe siècle, sans pour autant négliger toutes les preuves de résistance, notamment les processus d’intériorisation d’identités régionales. Compte tenu de l’ombre portée des années révolutionnaires et impériales sur le premier XIXe siècle, il est épistémologiquement maladroit d’attendre les années 1880 pour questionner l’histoire des campagnes au sujet du processus d’intégration nationale.

            Cependant, le présent texte ne prendra pas en compte tout ce que l’histoire de la Révolution de 1848 apprend sur le sujet ici traité, les limites imparties à cette contribution ne le permettant pas et d’autres auteurs, bien plus qualifiés sur ce sujet que la signataire de ces lignes, participant à cet ouvrage : l’étude ici proposée a pour bornes chronologiques 1815 d’une part, 1848 d’autre part. De plus, il s’agit ici de donner un travail utile aux étudiants : on ne se contentera donc pas d’évoquer les apports de recherches personnelles, mais on s’efforcera de faire la synthèse d’éléments bibliographiques majeurs. Enfin, compte tenu de la dimension comparative de la question, si les problématiques demeurent dictées par le cas français, on utilisera autant que faire se pourra des exemples espagnols, italiens ou allemands afin de mettre en perspective les idées essentielles. Envisager le rapport au national n’est pas une invitation à raisonner en terme de progrès, mais plutôt à adopter d’autres angles d’approche, en prenant en compte tout d’abord l’espace concret dans lequel chacun s’inscrit, puis en étudiant les systèmes de références selon lesquels fonctionnent les espaces sociaux et culturels des campagnards, en saisissant enfin les modes d’appropriation – ou de refus ‑ des données politiques nationales.

I/ Entre le « chez soi » et l’espace national

            Les campagnards du premier XIXe siècle ‑ du moins ceux qui sont de condition modeste, qui ne sont pas rattachés à un espace rural par une résidence châtelaine et temporaire, mais par le travail d’une terre ou l’exercice d’un autre métier ‑ sont pour la plupart des hommes et des femmes enracinés dans un espace social défini à partir du « chez-soi »[5]. Ronald Hubscher a présenté l’ensemble de cet espace en le montrant comme une succession de trois sphères : le « au loin » des territoires étrangers, mal connu ou même inconnu, où les gens s’habillent différemment et dont le langage, surtout, n’est pas le même ; plus proches se trouvent « les environs », fréquentés de façon seulement épisodique, à l’occasion des foires par exemple, mais qui appartiennent à un espace défini souvent par un idiome spécifique et identique au sien ; vient enfin cet espace familier du « chez-soi » où les individus se connaissent personnellement, et que l’on parcourt en un temps point trop long. Il est aussi l’espace sonore des cloches identifiables et familières[6]. Il est également celui des relations matrimoniales les plus fréquentes, l’endogamie rurale étant d’ailleurs d’autant plus forte que le village est petit[7].
           
            La vie des campagnards n’est plus, dès les débuts du XIXe siècle, refermée sur elle-même, si tant est qu’elle l’ait jamais été. L’Europe du premier XIXe siècle demeure marquée par les conséquences des guerres de la Révolution et de l’Empire. En plaçant sous les armes des milliers de jeunes hommes, de façon toutefois quelque peu spécifique dans le cas des Espagnols, engagés dans une guérilla sanglante, elles ont généré la réintégration, dans les sociétés du premier XIXe siècle, de vétérans qui ont acquis une perception autre de l’espace, en Allemagne et en Italie comme en France, quand elles n’ont pas laissé derrière elles des prisonniers déracinés[8]. En parcourant des milliers de kilomètres, en observant les modes de vie de contrées lointaines, les militaires n’ont certes pas cessé d’être les hommes de leur « pays », c’est-à-dire de leur village natal, acception dont témoigne leur correspondance, mais ils ont acquis aussi une aptitude à penser autrement le monde qui les entoure[9]. Or, par leurs récits comme par leurs attitudes, ils n’ont sans doute pas manqué de transmettre à leurs parents, à leurs amis, à leurs connaissances une part de cette expérience. Leur retour au village, plus encore que leur départ, a signifié une forme d’ouverture au monde, et ce phénomène se poursuit avec le rétablissement de la conscription, en France, dès 1818, concernant certes des effectifs moindres, mais s’imposant peu à peu comme un devoir national auquel on cherche de moins en moins à se dérober[10]. Si bien que dans les années 1830 et 1840, dans le cas de la France, ce sont chaque année plusieurs dizaines de milliers de jeunes hommes[11] qui découvrent, à la caserne et même, pour certains, dans les campagnes d’Espagne ou de Morée, des réalités sociales autres que celles de l’espace traditionnel des villageois.

            Cet espace est de plus traversé par les chemins des migrations de travail, plus ou moins lointaines, annuelles ou saisonnières : elles jouent un rôle économique fondamental dans nombre de sociétés rurales qui maintiennent leur équilibre grâce aux ressources fournies par celles et ceux qui vont ailleurs pour trouver un emploi. Ainsi, les migrants auvergnats, jusqu’au milieu du XIXe siècle, pratiquent plusieurs types de migrations, internes ou externes, saisonnières ou temporaires, particulièrement tournées vers l’Aquitaine et l’Espagne. Ils se font alors boulangers à Madrid, commerçants polyvalents dans les villages de Castille, vendeurs de chevaux et de mulets dans le Levant espagnol. Se forment d’ailleurs des familles d’expatriés, s’alliant entre elles, constituant des sortes de castes, s’épaulant, se cautionnant, se cooptant, dans le milieu de départ comme dans le milieu d’arrivée[12]. Espace campagnard auvergnat et espaces d’accueil espagnols se trouvent de ce fait ouverts par ces processus migratoires, qui ne sont qu’un exemple parmi bien d’autres[13], tel le Briançonnais rural, où les migrations saisonnières ont contribué aux facultés d’adaptation de ce groupe de vallées a priori fermé[14]. Citons encore l’émigration qui touche certaines régions pyrénéennes, comme les cantons béarnais de l’arrondissement d’Oloron et les cantons basques de l’arrondissement de Mauléon, ou les cantons ariégeois des arrondissements de Foix et d’Ax-les-Thermes : ils connaissent depuis le Moyen Age une tradition d’émigration vers l’Espagne, mais après 1830 apparaît une émigration vers le Rio de la Plata : toutefois ces processus de départ semblent être une modalité de refus des contraintes nationales - de la conscription notamment - et constitueraient une émigration de caractère antipatriotique. Le départ est ici substitué à la politisation, il serait refus de la construction nationale[15].

            Il n’est donc pas étonnant que ces espaces ruraux soient également ouverts à des logiques économiques et financières d’ordre national. De toutes façons, les prélèvements fiscaux, tels qu’ils sont organisés depuis la Révolution, suffisent à imposer aux campagnards des contraintes globales qui de surcroît les incitent à participer à une économie monétarisée. En France, le monde des petits s’ouvre progressivement à l’économie de marché, tandis que celle-ci caractérise assez précocement de grosses exploitations comme celles de l’Ile-de-France ou du Pas-de-Calais[16], si bien que là, les ouvriers agricoles aussi bien que le personnel d’encadrement sont déjà, dans les années 1830,inscrits dans un espace national. Du reste, dès la fin du XVIIIe siècle, on observe, par exemple dans les campagnes parisiennes, une réelle sensibilité des grands fermiers à l’agromanie : ils s’emploient à tirer parti tout à la fois d’expérimentations menées dans des régions voisines et de lectures agronomiques pour confectionner des instruments de labours plus efficaces et adopter de nouveaux types d’assolements[17].

            Par ailleurs, les petites exploitations agricoles font preuve elles aussi d’ouverture et d’insertion dans l’économie de marché, Jean-Luc Mayaud l’a bien démontré[18]. Or, en Galice également, les progrès de la petite exploitation permettent une lente pénétration de l’économie de marché, si bien que, par le biais des foires, arrivent des villes des marchandises et des modes, en même temps que de nouvelles formes de sociabilité synonymes d’ouverture au monde[19]. Et cette ouverture passe bien souvent par la pluriactivité, ouvrant elle aussi à l’économie de marché et offrant des ressources de complément permettant précisément le maintien de la petite exploitation[20]. Dans un département de moyenne montagne comme le Doubs, les productions artisanales se tournent peu à peu vers la commercialisation[21]. Sans compter la coexistence, dans un même espace rural, d’exploitations agricoles et de fabriques déjà spécialisées, établissant elles aussi des liens avec un marché national[22]. Ainsi l’ouverture même des espaces ruraux explique la pénétration des éléments d’une culture nationale, de références communes à l’ensemble des citoyens du pays considéré.

II/ La pénétration d’une culture nationale : acceptations et résistances

            L’espace des campagnes est aussi l’espace des élites, grandes ou petites : nobles châtelains ou grands propriétaires roturiers, juges de paix ou notaires, tous exercent d’une façon ou d’une autre des influences diverses sur les populations locales, influences qui contribuent elles aussi à des ouvertures sur les espaces nationaux. C’est du château que viennent souvent les innovations agronomiques offertes en exemple aux villageois[23]. C’est des grands domaines de la bourgeoisie de Séville que vient la modernisation[24]. Et il en va de même par exemple dans les campagnes bolognaises[25]. C’est par ailleurs du château ou de la résidence du notable que se diffusent des modèles culturels venus d’ailleurs, la domesticité, généralement originaire du cru, jouant sur ce point un rôle de relais. De plus, les villageois peuvent parfois recourir au savoir livresque, à l’aptitude à lire de ces élites qui, d’ailleurs, peuvent tenir la mairie, plus ou moins souvent selon les régions considérées, plus fréquemment, par exemple, en Haute-Vienne[26] qu’en Franche-Comté[27]. Au plan national, la part des mairies tenues par un noble, si elle est encore de 11 % en 1824, n’est plus que de 4 % en 1833[28].

            Mais la rencontre avec la culture écrite se fait aussi dans tous les cas où les normes de la loi s’imposent dans les campagnes, par le biais de la justice notamment : il suffisait d’un conflit de voisinage envenimé pour se retrouver devant le juge de paix. Les normes nationales pénètrent également avec l’application du code forestier de 1827 : il impose en fait aux habitants des communes rurales de se plier aux contraintes d’une gestion conçue à un plan national, dans le but de restaurer un capital forestier destiné à répondre aux besoins croissants en bois de construction et de chauffage. Les usages locaux ne sont ainsi pas pris en compte, le rôle des droits d’usage et de parcours dans l’économie domestique est occulté. Toute la vie des communautés s’en est trouvée bouleversée, d’autant que les sanctions prononcées contre les auteurs d’infractions ont financièrement représenté un prélèvement non négligeable[29]. Cela engendre entre autres, dans l’Ariège, à partir de mai 1829, la guerre des Demoiselles, au cours de laquelle des paysans, armés et déguisés en femmes, se dressent contre les gardes et contre les soldats[30]. Les troubles forestiers, dans l’ensemble de la France, ne cessent de se manifester, avec des flux et des reflux aux chronologies variables selon les régions, jusqu’en 1848 puis au delà. Ces protestations revendiquent un « espace boisé libéré de toutes entraves ». Frédéric Chauvaud a esquissé une géographie de ces troubles, mettant en évidence tout d’abord, en Provence, les affrontements entre communautés de village et grande propriété privée, souvent aristocratique. Dans les Pyrénées, la guerre des Demoiselles montre comment de petites bandes se dressent tout à la fois contre l’Etat et contre les propriétaires privés. En Alsace, les conflits forestiers prennent le relais d’émeutes antisémites. Enfin, dans des espaces boisés comme le Tanneron ou la Sologne ou bien encore la forêt de Rambouillet, les affrontements mettent essentiellement en scène braconniers et gardes. Ces troubles ne sont pas sans s’inscrire dans le mouvement général des oppositions à la pénétration des modes d’exploitation capitaliste de la terre. Ainsi, même des pratiques traditionnelles, empreintes de violence, témoignent de la façon dont sont prises en compte les données nationales. La guerre des Demoiselles manifeste non seulement une aptitude à répondre aux normes imposées par l’Etat centralisateur, et ce y compris par des actions d’envergure. Mais elle révèle aussi des réflexes ancrés dans une culture traditionnelle, notamment celle du travestissement. Selon Peter Sahlins, elle montre la persistance de ce qu’il qualifie de culture paysanne face aux multiples tentatives de dépossession, politiques et économiques, dont elle a fait l’objet depuis le XVIe siècle[31]. Or, notons que c’est dans le cadre de telles revendications concernant les droits d’usage que s’expriment, dans les campagnes, les rares réactions aux journées de Juillet en 1830[32]. Après quoi les usages communautaires sont heurtés par la codification du droit de chasse, organisée par la loi du 3 mai 1844 qui assujettit cette pratique à la détention d’un permis délivré par le préfet, sur les recommandations du maire. Cependant seuls un petit nombre de citoyens demandent un permis, 150 000 en année moyenne, alors que l’on peut évaluer entre 300 000 et 1 500 000 le nombre de personnes qui tentent d’accroître leurs ressources par une pratique non autorisée. Quoi qu’il en soit, la loi s’impose dans le quotidien des campagnards, la norme nationale devient une référence à prendre en compte, bon gré mal gré, pour la refuser, attitude initiale fréquente, puis pour s’y adapter peu à peu.

            Enfin, transactions foncières et signatures de baux, contrats de mariage et inventaires ponctuent la vie de beaucoup de familles paysannes : les visites chez le notaire sont autant d’occasions de rencontre avec les données nationales qui imposent notamment de s’accommoder aux contraintes du Code civil. D’ailleurs, se constituent ainsi, même dans d’humbles foyers, les « papiers de famille » qui attestent de ce rapport essentiel à l’écrit[33]. Par ailleurs, chaque prêtre introduit au village non seulement des règles religieuses inscrites dans l’espace du catholicisme romain, mais aussi des éléments d’une culture livresque acquise dans les séminaires. Ils incarnent donc des logiques autres, par exemple lorsqu’ils tentent de lutter contre des usages anciens, comme celui de faire sonner les cloches par temps d’orage[34]. Mais les villageois ont également un accès direct à la culture écrite : si la presse ne les atteint guère encore durant le premier XIXe siècle, ils font parfois l’acquisition de gravures et de fascicules de colportage, la Révolution ayant introduit l’habitude de la consultation des imprimés. Certains même détiennent des ouvrages, souvent des ouvrages pieux, mais aussi des almanachs, que l’on trouve notamment dans l’Est de la France, mais aussi en Allemagne rhénane[35]. En Franche-Comté, la culture écrite a pénétré de façon précoce, la diversification des lectures villageoises est attestée dès la première moitié du XIXe siècle. Là comme dans le Cantal[36], livres, chansons et images arrivent dans les ballots des colporteurs[37], permettant à une minorité d’avoir accès y compris à une littérature agricole[38]. Dans la province du León, plus précisément dans la vallée de l’Esla, même de modestes paysans, jusqu’à un sur sept, possèdent des livres, lesquels sont toutefois à près de 60 % des livres de théologie et de religion, et à 5,5 % seulement des ouvrages d’histoire et de géographie. Cette situation est cependant bien plus favorable que dans d’autres régions de l’Espagne, telles les Asturies où, sur 1 000 inventaires paysans, le livre est totalement absent[39]. En France, l’école commence à jouer un rôle non négligeable à partir de la loi Guizot de 1833. Dès 1816, dans son Essai sur l’histoire et sur l’état actuel de l’instruction publique en France, Guizot a souligné que l’Etat doit se donner les moyens de lutter contre les factions par la diffusion de l’instruction[40]. Mais les inégalités régionales devant l’école demeurent fortes au cours du premier XIXe siècle, les zones favorisées, comme les provinces périphériques ‑ souvent riches de leurs bois - ou les provinces d’agriculture prospère, s’opposent aux pays pauvres de la Creuse, des Landes, de la Vienne et de la Haute-Vienne, de la Haute-Loire et de la Lozère.

            Mais la brutalité endémique et l’indocilité très fréquente ponctuent les premières décennies du XIXe siècle, ce qui révèle la persistance d’une France rurale encore ni acculturée, ni intégrée[41]. Peter Mac Phee cite à ce sujet les souvenirs de Pierre Joigneaux  qui, se rappelant sa jeunesse dans un village de Côte-d’Or, dans les années 1820, souligne « on se battait village contre village ; on se battait les jours de fête patronale et le jour du tirage au sort, entre gens qui ne se connaissaient pas et ne se haïssaient pas »[42]. Cette violence, qui toutefois demeure souvent plus verbale que physique, témoigne de ce que, en matière d’acculturation, les campagnes sont en pleine mutation durant la première moitié du XIXe siècle. La période demeure marquée par la longue persistance de traditions régionales liées à des pratiques collectives de la vie quotidienne[43], par la prégnance de la culture paysanne. Celle-ci place au cœur de ses valeurs le travail, elle est donc faite d’absence de temps libre mais aussi de pratiques d’entraide mêlant souvent labeur et fête, y compris lors des veillées. De cette culture participent également le respect des rites agraires, induisant des fêtes saisonnières, ou encore les visites aux foires et marchés, associant travail et loisir individuel[44]. Or, de toutes ces pratiques qui définissent la culture paysanne, aucune n’est encore réellement battue en brèche par des influences extérieures durant le premier dix-neuvième siècle. Ce qui n’empêche pas que les imaginaires et les références des uns et des autres s’enrichissent, on l’a vu, d’éléments provenant de la vie nationale, et ce y compris dans le domaine politique

III/ Citoyenneté et participation à la vie politique

            Chaque individu, chaque communauté entre dans le XIXe siècle doté d’un bagage mémoriel contenant les expériences de la Révolution et de l’Empire. En instituant les municipalités, présentes aussi en Italie et en Allemagne, du moins dans les espaces qui ont été des départements français, la Révolution a élaboré un espace de politisation, susceptible de susciter compétition entre les citoyens pour en obtenir l’attribution[45]. Jean-Pierre Jessenne a rappelé le rôle essentiel de la collectivité villageoise dans les dynamiques politiques, en se fondant sur une historiographie de la Révolution française qui insiste sur l’interaction entre l’exercice du pouvoir local et la construction nationale du politique[46]. Or les souvenirs ou les échos de ces temps de première municipalisation sont présents dans la France de la Restauration puis de la Monarchie de Juillet. Il semble bien, d’ailleurs, que l’expérience révolutionnaire ait suscité des groupes de ruraux politisés, réputés jacobins. Ils sont septuagénaires sous Louis-Philippe, et ils vivent depuis 1800 dans une plus ou moins grande discrétion[47]. On sait par exemple que le grand-père de Gustave Courbet, vigneron aisé et révolutionnaire ardent, lisait à son petit fils des pages de l’Almanach des Républicains[48]. A l’inverse, « la région-Vendée s’est constituée dans la lutte qui l’a opposée à la Révolution »[49] : Jean-Clément Martin a montré à son sujet les processus de construction d’identités politiques, religieuses ou sociales engagés à partir de l’événement révolutionnaire. Et il en va de même parmi les paysans espagnols exilés en France dans les années 1830. Finalement les représentations du passé et la gestion du souvenir[50] jouent un rôle essentiel dans le mode d’appropriation de la dimension nationale.

            De ce rôle de la mémoire témoignent les cris séditieux qui se sont fait entendre dans les campagnes françaises durant toute la  Restauration, mais que l’historien entend moins après 1830, en raison d’une législation moins répressive. Toutefois, ce rapport au politique se fait avant tout par le biais d’une personnification du pouvoir : si ces cris témoignent de l’aptitude des villageois à s’inscrire ainsi dans un horizon autre que celui du village, ils révèlent par ailleurs que l’on conçoit la vie politique nationale avant tout en fonction des grandes personnalités : en criant « Vive Napoléon » ou en proférant un « Merde à Louis XVIII », ces hommes et ces femmes - car il y a aussi des femmes parmi les auteurs de tels délits - témoignent d’un imaginaire politique dans lequel les souverains demeurent une référence bien plus forte que les abstractions que semblent être encore pour eux la République ou la démocratie. Du reste les rumeurs, tout autant que les cris séditieux, en disent également long sur les repères qui sont ceux de la majorité des habitants des campagnes[51]. Là encore, les années de la Restauration, en France, ont montré à quel point le souvenir de l’empereur demeure présent, car parmi les informations les plus folles qui circulent, beaucoup font état de son hypothétique retour, à la tête d’une armée libératrice, et pourvu de fonds et de réserves de grains qui doivent ramener la prospérité dans les campagnes : on voit ainsi la propension à faire dépendre le devenir de la nation des actes d’un seul homme[52].

            En fait, les campagnes sont soumises à nombre d’influences qui jouent aussi en faveur de la politisation. Parmi les imprimés qui circulent, certains sont en lien direct avec la vie politique de la nation : sous la Restauration, les libelles et gravures bonapartistes apparaissent en nombre, après quoi la Monarchie de Juillet est aussi un temps de diffusion des libelles républicains, comme par exemple dans la vignoble jurassien[53]. Par ailleurs, après 1830, les curés apparaissent souvent comme les tenants de la dynastie déchue et contribuent donc eux aussi à introduire des références à la vie politique nationale. Michel Lagrée a d’ailleurs évoqué la coexistence d’un christianisme bleu et d’un christianisme blanc dans le diocèse de Rennes, et chacun de ces clans dispose, par les desservants des paroisses, d’hommes d’influence auprès des populations locales[54]. Quant à la conscription, elle contribue elle aussi à diffuser non seulement, on l’a vu, les éléments d’une culture nationale, mais aussi, plus précisément, les références à une vie politique nationale. C’est du reste dans les rangs de la Grande Armée que les réflexes de dévotion à l’égard de Napoléon ‑ évoqués ci-dessus ‑ ont été acquis. Mais c’est aussi sous l’uniforme que les hommes, jusqu’en 1815, ont été accoutumés à la vue du drapeau tricolore et à des discours sur la patrie et la nation. Or, ce mode d’encadrement subsiste durant la Restauration, en raison de la loi Gouvion-Saint-Cyr de 1818, avec des références autres certes – un drapeau redevenu blanc – puis sous la Monarchie de Juillet – où les conscrits retrouvent un drapeau tricolore[55]. En Allemagne et en Italie également, les jeunes hommes accèdent de la sorte à une culture politique nationale[56] : en Prusse, les guerres de libération, en 1813, ont été fondatrices dans l’histoire du sentiment national, tandis qu’en Espagne, les guerres carlistes commencées en 1833 révèlent une paysannerie en partie acquise aux ultras, capable en tout cas de se sentir impliquée dans des conflits nationaux[57].

            Enfin, en France, la loi du 21 mars 1831, en permettant l’application de la procédure électorale pour la désignation des conseils municipaux, favorise particulièrement l’entrée de la politique, par des biais certes variés, dans les villages[58]. Car elle donne tout de même le droit de vote à 2,8 millions de Français. Mais bien évidemment, et c’est tout l’intérêt des travaux de Christine Guionnet ‑ Maurice Agulhon l’a bien souligné[59] ‑ être ainsi appelé à voter, c’est-à-dire à assumer une pratique nouvelle, ne signifie pas que l’on vote d’entrée de jeu en citoyen moderne, c’est-à-dire en ayant en tête des conceptions nouvelles. Si bien que le projet de la Monarchie de Juillet est en partie un échec. Dans les communes rurales, les relations interpersonnelles ont continué de peser lourd, bien plus que les débats nationaux. Ce qui ne signifie pas que les votes ne soient que de soumission : on choisit certes les notables, mais on élit ceux qui se montrent capables de prendre en compte les exigences et les valeurs de la communauté et on rejette bien souvent ceux qui ne sont porteurs que de références exogènes et qui, de ce fait, ne répondent à aucune des aspirations de la communauté. Si bien que les pratiques démocratiques sont tout de même adoptées, mais sans aboutir au résultat forcément escompté. S’il y a bien ainsi changement politique, ce n’est pas celui qui était souhaité à l’échelon gouvernemental. Reste que la communauté devient commune, et là n’est pas le moindre des pas accomplis par les citoyens français du premier XIXe siècle.

            D’autant que les conflits locaux ne sont pas sans être épargnés par une politisation dès après 1815[60]. En certains lieux, les luttes politiques qui se dessinent dès 1831 ne sont pas sans faire référence à des conflits hérités de la Révolution, lesquels n’étaient pas sans s’inscrire déjà dans un cadre national. Alors, certes, qui dit apprentissage des pratiques électorales ne dit pas forcément intériorisation des débats idéologiques tels qu’ils se déroulent dans les sphères supérieures de la vie politique, reste que la pénétration de la politique dans les campagnes ne s’est pas forcément faite d’une façon totalement déconnectée des réalités nationales. Et puis il est des campagnes qui sont d’incontestables avant-garde, comme les Basses-Alpes ou le Var, le Limousin ou le Gard. En 1837, 37 % des conseils municipaux de la Dordogne et des Landes étaient identifiés comme appartenant à l’opposition démocratique, 33 % dans l’Allier et les Pyrénées-Orientales, 27-28 % dans l’Ain et l’Isère. Et il y a eu, après 1830, dans des dizaines de communes rurales, de filiales de la Société des Droits de l’Homme et de l’association « Aide-toi, le ciel t’aidera », mouvement toutefois étouffé en 1834[61].

            Il n’en est pas moins essentiel de prendre en compte le développement d’une historiographie qui, depuis la fin des années 1980, sans renoncer au schème de l’intégration au national, déplace le regard et s’efforce de comprendre comment les communautés rurales inventent leurs propres conflits et plient les débats nationaux aux enjeux locaux[62]. Dans bien des communautés rurales, la vie politique municipale ne reflète que l’aptitude à la domination de la part de lignées d’élites paysannes, elle se résume alors à une « affaire de famille »[63], ce qui ne signifie pas pour autant, de la part des ruraux, un suivisme irréfléchi[64]. Sans oublier d’ailleurs combien les communautés peuvent être promptes à la confusion entre la municipalité et les autres instances villageoises, comme, en Franche-Comté, fabrique, fromagerie ou bureau de bienfaisance. Il est bien évident que nombre d’exemples communaux peuvent témoigner de l’autonomie du village face à la politique nationale, nombre de cas permettent de montrer comment la politique peut demeurer affaire interne et ne connaître de fin en soi que dans le pouvoir local[65]. Dans le Quercy, au cours du premier XIXe siècle, les disputes locales résultent bien souvent d’une opposition entre deux maisons de notables locaux : même si elles peuvent se doubler d’un affrontement entre la municipalité et la cure, et même si elles peuvent être lues comme la traduction d’un clivage politique relevant de la société englobante, elles n’en appartiennent pas moins avant tout à la sphère locale. Dans ces campagnes du Lot si bien étudiées par François Ploux, le physionomie des affrontements évolue en fait « au gré des soubresauts de l’histoire nationale ». Les modes d’expression du conflit puisent souvent dans les ressources idéologiques et symboliques de l’environnement global, mais les enjeux demeurent locaux. Ainsi, durant les premières années de la Monarchie de Juillet, les luttes de factions qui éclatent dans les communes du Lot prennent toutes la dimension d’un affrontement entre légitimistes et orléanistes. Toutefois cette politisation des conflits demeure toujours superficielle : il s’agit en fait de conflits qui s’enracinent avant tout dans l’espace social intracommunal, mais aussi dans le cadre de conflits intercommunaux, dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de régler le conflit en échappant à tout contrôle étatique, en refusant toute norme nationale, y celle du Code civil puisqu’elle va à l’encontre des pratiques successorales traditionnelles[66].

***

            Il ne faut toutefois pas confiner le politique à la seule dimension nationale, il faut notamment prêter attention à tous les aspects du fonctionnement des communautés de village[67], sans négliger le fait qu’il n’y a pas de contradiction entre politique locale d’une part, structures et idéologies nationales d’autre part : les masses rurales sont tout à la fois liées à l’administration et à la politique nationales tout en agissant en référence à leur culture et à leur histoire propres. Il y a en fait permanente interaction entre le fait local et le fait national[68], mais aussi appartenance à des identités régionales, allant au-delà des références au « chez soi », mais constituant des formes de résistance à la société englobante. Entre l’image noire d’une paysannerie qui peine à s’intégrer dans la communauté nationale[69], et l’idéalisation d’un pays qui entre progressivement dans le processus démocratique à partir de la Révolution, le premier XIXe siècle, abordé sous l’angle de l’histoire des campagnes, permet de nuancer l’une et l’autre de ces idées, y compris pour prendre conscience que la politisation ne signifie pas forcément adhésion à la démocratie pensée par la Révolution. Le rapport au national s’affirme aussi dans l’adoption des idées de la contre-révolution ou dans l’attachement à Napoléon. Si les références aux éléments d’une culture locale demeurent souvent premières, cela n’empêche pas les campagnards, on l’oublie trop souvent, d’être insérés dans des espaces ouverts, sur le plan politique aussi bien que social.

Natalie PETITEAU,
Université d’Avignon


[1] La formulation exacte est : « Les campagnes dans les évolutions sociales et politiques en Europe, des années 1830 à la fin des années 1920 : étude comparée de la France, de l'Allemagne, de l'Espagne et de l'Italie. »
[2] Eugen WEBER, La fin des terroirs, Paris, Fayard, 1983, 839 p. ; James R. LEHNING, Peasant and French. Cultural contact in rural France during the nineteenth century, New York, Cambridge University Press, 1995, 239 p.
[3] Pierre BOURDIEU,  « La paysannerie. Une classe objet », dans Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 1977, n° 17-18, p. 2-5.
[4]  François PLOUX, « Luttes de factions à la campagne. L’exemple du Lot au XIXe siècle », dans Histoire et sociétés rurales, n° 22, 2004, p. 103.
[5] Ronald HUBSCHER, « La France paysanne : réalités et mythologies », dans Yves LEQUIN [dir.], Histoire des Français, XIXe-XXe siècles. Tome 2 : La société, Paris, Colin, 1983, p. 12-14.
[6] Alain CORBIN, Les cloches de la terre. Paysage sonore et culture sensible dans les campagnes au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1994, 359 p.
[7] Martine SEGALEN, Mari et femme dans la société paysanne, Paris, Flammarion, 1984, 211 p. ; Martine SEGALEN, « Les structures familiales », dans Jacques DUPÂQUIER [dir.], Histoire de la population française, tome 3 : De 1789 à 1914, Paris, P.U.F., 1988, p. 405-423. ; Martine SEGALEN, « Le mariage », dans Jacques DUPÂQUIER [dir.], Histoire de la population française, tome 3 : De 1789 à 1914, Paris, P.U.F., 1988, p. 423-436. 
[8] Sur ce thème, je me permets de renvoyer à Natalie PETITEAU, Lendemains d’Empire. Les soldats de Napoléon dans la France du XIXe siècle, Paris, La Boutique de l’Histoire, 2003, 400 p. Voir également Nicole GOTTERI, « L’intégration des prisonniers ibériques dans la société française après 1814, d’après les demandes de naturalisation », dans Sylvie CAUCANAS, Rémy CAZALS, Pascal PAYEN [dir.], Les prisonniers de guerre dans l’histoire. Contacts entre peuples et cultures, Toulouse, Privat, 2003, p. 245-255.
[9] Natalie PETITEAU, « Le territoire du soldat : identités et migrations militaires », à paraître en 2005, dans les Mélanges en la mémoire de Dominique Guillemet, sous la direction de Jacques PÉRET et de Frédéric CHAUVAUD, aux Presses Universitaires de Rennes.
[10] Annie CRÉPIN, Défendre la France. Les Français, la guerre et le service militaire, de la guerre de Sept Ans à Verdun, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2005, 424 p.
[11] En 1832, le contingent annuel est de 80 000 hommes pour une armée de 500 000 hommes : idem, p. 184.
[12] Rose DUROUX, « La noria des exclus : stratégie chez les migrants auvergnats en Espagne (XIXe siècle) »,  dans Gérard BOUCHARD, John A DICKINSON, Joseph GOY [dir.], Les exclus de la terre en France et au Québec, XVIIe-XXe siècle. La reproduction familiale dans la différence, Québec, Septentrion,  1998, p. 95-113.
[13] Maurizio GRIBAUDI, Itinéraires ouvriers. Espaces et groupes sociaux à Turin au début du XXe siècle, Paris, éditions de l’EHESS, 1987, 264 p. ; Jean-Pierre POUSSOU, Daniel COURGEAU et Jacques DUPÂQUIER, « Les migrations  intérieures », dans Jacques DUPÂQUIER [dir.], Histoire de la population française, tome 3 : De 1789 à 1914, Paris, P.U.F., 1988, p. 177-198 ; Didier BLANCHET, Denis KESSLER, « La mobilité géographique, de la naissance au mariage », dans Jacques DUPÂQUIER, Denis KESSLER [dir.], La société française. Tradition, transition, transformations, Paris, Fayard, 1992, p. 343-377 ; Laurence FONTAINE, Le voyage et la mémoire. Colporteurs de l’Oisans, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1984, 294 p. ; Yann STÉPHAN, « Les mobilités dans la vallée du Rhône au XIXe siècle : l’exemple du canton de Loriol », dans Revue drômoise, 1997, volume 90, fascicule 486, p. 402-415 ; Paul-André ROSENTAL, Les sentiers invisibles. Espace, familles et migrations dans la France du XIXe siècle, Paris, éditions de l’EHESS, 1999, 255 p. ; Dionigi ALBERA [dir.], Migrance, marges et métiers, n° spécial de Le monde alpin et rhodanien, 1-3/2000, 247 p. ; Les migrations au scalpel. Annales de démographie historique, 2002-2, 232 p.
[14] Nadine VIVIER, Le Briançonnais rural aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, L’Harmattan, 1992, 296 p.
[15] François WEIL, « Intégration au national et migrations aux Amériques. Réflexions sur l’exemple français », dans La politisation des campagnes au XIXe siècle, ouvrage cité, p. 203.
[16] Ronald HUBSCHER, L'agriculture et la société rurale dans le Pas-de-Calais, du milieu du XIXe siècle à 1914, Arras, Mémoires de la commission départementale des monuments historiques du Pas-de-Calais, 1979 et 1980, 964 p.
[17] Jean-Marc MORICEAU, « Les grandes exploitations en France du XVIIe au XIXe siècle », dans Les sociétés rurales en Allemagne et en France (XVIIIe-XIXe siècle). Actes du colloque de Göttingen, 23-25 novembre 2000, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, Bibliothèque d’histoire rurale, 2004, p. 77.
[18] Jean-Luc MAYAUD, La petite exploitation rurale triomphante. France, XIXe siècle, Paris, Éditions Belin, 1999, 278 p.
[19] Pegerto SAAVEDRA, « Petite exploitation et changement agricoles à l’intérieur d’un “vieux complexe agraire”.  Les campagnes de la Galice entre 1550 et 1850 », dans Histoire et sociétés rurales, n° 12, 1999, p. 63-95.
[20] Gilbert GARRIER, Ronald HUBSCHER [dir.], Entre faucilles et marteaux. Pluriactivités et stratégies paysannes, Lyon-Paris, Presses universitaires de Lyon et Éditions de la Maison des Sciences de l'Homme, 1988, 242 p.
[21] Jean-Luc MAYAUD, Les Secondes Républiques du Doubs, Paris, Les Belles Lettres, 1986, p. 138.
[22] Claude-Isabelle BRELOT, Jean-Luc MAYAUD, L’industrie en sabots. La taillanderie de Nans-sous-Sainte-Anne. Les conquêtes d’une ferme-atelier aux XIXe et XXe siècles, Paris, Jean-Jacques Pauvert aux éditions Garnier, 1982, 277 p.
[23] Louis BERGERON, Les capitalistes en France (1780-1914), Paris, Gallimard,1978, p. 17-23 ; Claude-Isabelle BRELOT, « Le château au XIXe siècle : les reconversions symboliques d’un château sans pouvoir », dans Château et pouvoir, CROCEMC-LHAMANS, Bordeaux, 1996, p. 193-201.
[24] François HÉRAN,  Le bourgeois de Séville. Terre et parenté en Andalousie, Paris, PUF, 1990, p. 13-20.
[25] Manuela MARTINI, « Les Amorini et la terre au XIXe siècle. La politique foncière d'une famille noble de Bologne », dans Histoire et sociétés rurales, n° 8, 2e semestre 1997, pp. 93-120.
[26] Philippe GRANDCOING, Les demeures de la distinction. Châteaux et châtelains au XIXe siècle en Haute-Vienne, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 1999, p. 55-57.
[27] Claude-Isabelle BRELOT, La noblesse réinventée. Nobles de Franche-Comté de 1814 à 1870, Besançon, Annales Littéraires de l’Université de Besançon, 1992, p. 566-567 ; Jean-Luc MAYAUD, « Noblesses et paysanneries de 1789 à 1914 : des rapports d’exclusion ? », dans Claude-Isabelle BRELOT [dir.], Noblesses et villes (1780-1950). Actes du colloque de Tours, 17-19 mars 1994, Université de Tours, Maison des Sciences de la ville, 1995, p. 55-69
[28] Maurice AGULHON, Louis GIRARD, Jean-Louis ROBERT, William SERMAN, [dir.], Les maires en France du Consulat à nos jours, Paris, publication de la Sorbonne, 1986, p. 38 et 94.
[29] Frédéric CHAUVAUD, « Le dépérissement des émotions paysannes dans les territoires boisés au XIXe siècle », dans La terre et la cité. Mélanges offerts à Philippe Vigier, Paris, Créaphis, 1994, p. 101-114.
[30] Nadine VIVIER, Propriété collective et identité communale. Les biens communaux en France, 1750-1914, Paris, Publications de la Sorbonne, 1998, p. 217-221.
[31] Peter SAHLINS, Forest rites. The War of the Demoiselles in Nineteenth Century France, Cambridge, Harvard University Press, 1994, 188 p.
[32] David PINKNEY, La révolution de 1830 en France, Paris, PUF, 1988, p. 238-239.
[33] Valérie FESCHET, Les papiers de famille. Une ethnologie de l’écriture, de la mémoire et des sentiments en Provence alpine, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 1998, 226 p.
[34] Cité par François PLOUX, « Luttes de factions à la campagne. », article cité.
[35] Michel VERNUS, « La culture écrite et le monde paysan : le cas de la Franche-Comté (1750-1860) », dans Histoire et sociétés rurales, n°7, 1997, p. 54.
[36] Marie-Noëlle JEMINET, « Le paysan et l’écrit. Le monde paysan et la lecture dans le Cantal au XIXe siècle », dans Le paysan. Deuxième colloque d’Aurillac, Paris, Christian, 1989, p. 213-221.
[37] Jean QUÉNIART, Les Français et l’écrit, XIIIe-XIXe siècle, Paris, Hachette, 1998, p. 222-223 ; Laurence FONTAINE, Histoire du colportage en Europe, XVe-XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1993, 334 p.
[38] Michel VERNUS, « La culture écrite et le monde paysan », article cité, p. 59-60.
[39] José Manuel PEREZ GARCIA, « Niveaux de vie et traditions culturelles dans les campagnes du León entre 1700 et 1850 », dans Histoire et sociétés rurales, n° 8, 1997, p. 61-92.
[40] Jean-François CHANET, « Ecole et politisation dans les campagnes françaises au XIXe siècle », dans La politisation des campagnes au XIXe siècle. France, Italie, Espagne, Portugal. Colloque de Rome des 20-22 février 1997, Ecole française de Rome, 2000, p. 93.
[41] Maurice AGULHON, « L’essor de la paysannerie, 1789-1852 », dans Histoire de la France rurale. Tome 3, Paris, Le Seuil, 1976, p. 143-145.
[42] Cité par Peter MAC PHEE, « Contours nationaux et régionaux de l’associationnisme politique en France (1830-1880) », dans La politisation des campagnes au XIXe siècle, ouvrage cité, p. 216.
[43] Jean-Clément MARTIN, Une région nommée Vendée, Geste Éditions, 1996, p. 110.
[44] Jean-Claude FARCY, « Le temps libre au village », dans Alain CORBIN [dir.], L’avènement des loisirs, Paris, Aubier, 1995, p. 230-274.
[45] Maurice AGULHON, « Présentation », dans La politisation des campagnes au XIXe siècle, ouvrage cité, p. 1-11.
[46] Jean-Pierre JESSENNE, « Synergie nationale et dynamique communautaire dans l’évolution politique rurale par-delà la Révolution française (vers 1780-vers 1830) », dans La politisation des campagnes, ouvrage cité, p. 57.
[47] Maurice AGULHON, « Survivants de la Révolution », dans Histoire vagabonde. Tome III : La politique en France d’hier à aujourd’hui, Paris, Gallimard, 1996, p. 15-42. Voir aussi Christine PEYRARD, Jacobins de l’Ouest. Sociabilité révolutionnaire et formes de politisation dans le Maine et la Basse-Normandie, 1789-1799, Paris, Publications de la Sorbonne, 1996, 408 p.
[48] Michel VERNUS, « La culture écrite et le monde paysan : le cas de la Franche-Comté (1750-1860) », dans Histoire et sociétés rurales, n°7, 1997, p. 52.
[49] Jean-Clément MARTIN, Une région nommée Vendée, ouvrage cité, p. 111.
[50] Pour reprendre les termes d’Alain CORBIN dans « Recherche historique et imaginaire politique. A propos des campagnes françaises au XIXe siècle », dans La politisation des campagnes, ouvrage cité, p. 54.
[51] François PLOUX, De bouche à oreille. Naissance et propagation des rumeurs dans la France du XIXe siècle, Paris, Aubier, 2003, 289 p. Sur ce thème, voir également, au sujet des événements de 1841 : Jean-Claude CARON, L’été rouge. Chronique de la révolte populaire en France (1841), Paris, Aubier, 2002, 348p.
[52] Sur ces thèmes, voir notre  ouvrage Les Français et l’Empire, à paraître au Seuil.
[53] Michel VERNUS, « La culture écrite et le monde paysan », article cité, p. 52.
[54] Michel LAGRÉE, Mentalités, religion et histoire en Haute Bretagne au XIXe siècle : le diocèse de Rennes, 1815-1848, Paris, Klincksieck, 1977 p. 73-91.
[55] Annie CRÉPIN, Défendre la France, ouvrage cité, notamment p. 234-254.
[56] Thomas HIPPLER, Citoyenneté et discipline. Armée populaire et service militaire dans la France révolutionnaire et dans la Prusse des réformes (1789-1830),  thèse de doctorat sous la direction du professeur Bo STRATH, Institut Universitaire européen de Florence, 2002. Et Sabina LORIGA, « L’épreuve militaire », dans Giovanni LÉVI, Jean-Claude SCHMITT, Histoire des jeunes en Occident. L’époque contemporaine, Paris, Le Seuil, 1996, p. 19-50.
[57] Anne DULPHY, Histoire de l’Espagne de 1814 à nos jours. Le défi de la modernisation, Paris, Nathan, 1992, p. 12.
[58] Christine GUIONNET, L’apprentissage de la politique moderne. Les élections municipales sous la Monarchie de Juillet, Paris, L’Harmattan, 1997, 324 p.
[59] Maurice AGULHON, « Présentation », dans La politisation des campagnes, ouvrage cité, p. 1-11.
[60] François PLOUX, Guerres paysannes en Quercy. Violences, conciliations et répression pénale dans les campagnes du Lot (1810-1860), Paris, La Boutique de l’Histoire, 2002, 376 p., et « Disputes au village quercynois. Querelles locales et histoire nationale à l’aube de la Troisième République », dans Imaginaire et sensibilités. Etudes pour Alain Corbin, Paris, Créaphis, 2005, p. 11-22.
[61] Peter MAC PHEE, « Contours nationaux et régionaux... », article cité, p. 208.
[62] Alain CORBIN, « Recherche historique et imaginaire politique... », article cité, p. 51.
[63] Voir à ce sujet l’article de Jean-Luc MAYAUD, « Pour une communalisation de l’histoire rurale », dans La politisation des campagnes, ouvrage cité, p. 153-167.
[64] Anne ROLLAND-BOULESTREAU, Les notables des Mauges. Communautés rurales et Révolution (1750-1830), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2004, 401 p.
[65] Idem, p. 160.
[66] François PLOUX, Guerres paysannes en Quercy, ouvrage cité et « Luttes de factions à la campagne. », article cité.
[67] Jean-Pierre JESSENNE, « Synergie nationale et dynamique communautaire... », article cité, p. 59.
[68] Peter MAC PHEE, « Contours nationaux et régionaux... », article cité, p. 219.
[69] Eugen WEBER, La fin des terroirs, ouvrage cité.